Albert Einstein fut un physicien révolutionnaire à bien des égards. Il n’a pourtant jamais accepté certaines conclusions auxquelles la physique quantique amène quand on la considère comme une théorie complète. Quelques années avant sa mort, il écrivait encore à Louis de Broglie : « Je dois ressembler à une autruche qui sans cesse cache sa tête dans le sable pour ne pas faire face aux méchants quanta. » D’où venait cet embarras critique qui confina parfois au rejet ? De la conviction qu’une théorie scientifique ne doit pas être jugée à l'aune de sa seule efficacité : on doit aussi attendre d'elle une indication sur la structure même du réel, élément que la physique quantique ne fournit pas.
Niels Bohr contesta Einstein sur ce point, en arguant que la seule chose qu'une théorie physique puisse prétendre décrire, ce ne sont que des phénomènes incluant dans leur définition le contexte expérimental qui rende ces phénomènes manifestes, et non pas une réalité prétendument objective.
Cette controverse entre Bohr et Einstein avait une envergure philosophique puisqu'elle touchait à la conception que l’on doit se faire du monde physique, au rôle des théories qui tentent de le décrire. Mais elle était aussi du ressort de la physique, du moins dans les termes où la formulait Einstein. Celui-ci tenait en effet que le caractère à ses yeux incomplet de la physique quantique impliquait l'apparition dans l'avenir d'une théorie « meilleure », c’est-à-dire complète au sens qu’il donnait à ce mot. Or c'est là une question que l'expérience a pu trancher. Nous verrons comment.
Bibliographie
- Les Tactiques de Chronos, Flammarion, 2003.
- Petit Voyage dans le monde des quanta, Flammarion, 2004.
- Il était sept fois la révolution, Albert Einstein et les autres, Flammarion, 2005.
Étienne Klein, Physicien, écrivain et philosophe, adjoint au Directeur des sciences de la matière du CEA