Date de début:
12:00
Date de fin:
13:00
Lieu:
Campus Michel Ange - CNRS Auteuil
Ville:
Paris (France)
Producteur:
-

Durée:
38:19
Type:
video/mp4
Poids:
184.99 Mo
Format:
mp4
Résolution:
480x368
Codec:
-

Fractures et complexité

Nombre de phénomènes géologiques peuvent être définis comme des systèmes complexes pour des raisons qui tiennent à la fois à leur structure, à la diversité des interactions et à leur dynamique propre. La fracturation, telle qu’elle est observée dans les systèmes géologiques, est emblématique de cette complexité “naturelle??. A la base, le phénomène correspond à une forte localisation de la déformation au sein du milieu, sans que cette description physique élémentaire ne fixe d’échelles de temps ou d’espace. Et il est d’ailleurs difficile de le faire, les échelles spatiales de la rupture géologique variant sur une dizaine d’ordres de grandeur (<10-3 m pour les micro-fractures à l’échelle du minéral à ~103 km pour les grandes failles comme San Andréas en Californie), et les échelles temporelles sur une douzaine (de la minute pour les séismes à la dizaine de millions d’années pour les déformations géologiques).
La reconnaissance au début des années 1970 que les systèmes de failles avaient des formes self-similaires, et la théorisation qui en a été faites au début des années 1980 via des concepts liés aux lois d’échelle non triviales, a été à l’origine de deux grandes ouvertures pour la compréhension de ces phénomènes : 1) la possibilité que la dynamique globale résulte d’effets coopératifs multi-échelle (sans que l’on sache d’ailleurs si les interactions majeures se font des petites échelles vers les grands ou l’inverse), et 2) la reconnaissance de classes d’universalité des processus qui dépendent, et c’est nouveau, de la nature de l’hétérogénéité initiale des milieux. On est certes loin d’une approche unificatrice reconnue et ces recherches sont encore marginales vis-à-vis des approches classiques ; mais elles sont à mon sens indispensables pour décrire la physique d’un phénomène dont la structure multi-échelle, telle qu’elle est observée par les géologues, n’a à ma connaissance jamais pu être reproduit, et de loin, par une simulation numérique, ce qui reste une exception très intéressante dans un monde qui se dit “numérique??.
Il y a plusieurs autres enjeux scientifiques et sociétaux à modéliser la complexité géométrique des fractures. Elles jouent en effet un rôle important, voire fondamental, sur les écoulements souterrains avec plusieurs domaines d’application importants sur la gestion de l’eau souterraine, sur l’exploitation des ressources pétrolières, ou sur l’évaluation des méthodes de stockage souterrain de déchets toxiques. Dans tous les cas, l’enjeu scientifique est la reconstruction d’un milieu complexe à partir d’une information très parcellaire vis-à-vis de l’hétérogénéité du milieu car difficile à obtenir. La question posée, relativement générique en sciences de la planète, est celle du problème inverse sous-contraint. Toutes les méthodes pratiques passent par une excellente compréhension théorique de la complexité géométrique du milieu, et par notre capacité à avoir des modèles capables de reproduire l’information manquante aux échelles pertinentes pour le phénomène étudié.

Philippe Davy, Directeur de recherche CNRS Géosciences Rennes, UMR 6118 CNRS/Université de Rennes I

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